Sources acoustiques en mouvement supersonique
Ce projet s'inscrit dans un objectif de défense, où l'ISL et le LMSSC se sont conjointement intéressés à l'utilisation de l'information portée par l'onde de Mach générée par un projectile supersonique, afin de réaliser la localisation de sniper en environnement urbain.
En effet, les techniques actuelles de localisation de tireurs embusqués n'exploitaient jusqu'ici que l'onde de bouche, générée par l'arme. Ces techniques ne sont pas robustes aux situations de terrain où les tireurs utilisent des armes avec silencieux. Partant de ce constat, nous avons développé des techniques plus théoriques, qui avaient pour objectif de reconstituer par problème inverse la trajectoire d'un projectile supersonique en environnement réverbérant. Ce projet a donc nécessité de développer deux volets :
- la synthèse physique reproductible d'un front d'onde conique reproduisant le comportement d'un cône de Mach en laboratoire sans tir de projectile,
- le problème inverse de reconstitution de la trajectoire de la source par mesures acoustiques distribuées.
1 - Synthèse de champ supersonique
Pour recréer la structure géométrique et la trace temporelle typique d'une onde de Mach, nous avons développé un dispositif électroacoustique constitué de 256 hauts-parleurs miniaturisés, permettant de simuler physiquement la propagation d'un cône de Mach, en utilisant des méthodes de filtrage inverse et un dispositif de contrôle multicanal à grand nombre de voies audio de type MADI.

Cette méthode nécessite une première phase "d'apprentissage" des signaux électriques devant alimenter chacun des haut-parleurs du line array, permettant ainsi de réaliser la procédure de filtrage inverse corrigeant les courbes de réponses de chacun des haut-parleurs afin de créer par synthèse 3D un front d'onde possédant une signature temporelle typique d'une onde en N correspondant à un tir d'arme. Cette approche est en soi déjà un défi technologique et numérique, puisque le signal à reconstituer doit être extrêmement court (ce qui ne représente guère que plus d'une dizaine d'échantillons pour des dispositifs échantillonnés à 44100 Hz), et qu'il est nécessaire de contrôler en amplitude et en phase les 256 haut-parleurs (groupés par 4 sur des modules conçus à l'ISL) précisément afin que le cône de Mach soit bien synthétisé physiquement.

2 - Problème inverse : reconstitution de la trajectoire du projectile
Une fois cette synthèse de champ maîtrisée, le projet a consisté à développer une méthode permettant de reconstituer la trajectoire du projectile supersonique. Pour cela, nous nous sommes portés sur des techniques de retournement temporel, particulièrement adaptées aux caractéristiques impulsionnelles de ce type de sources. Pour cela, nous avons développé une méthode qui, exploite les mesures du champ de pression sur une distribution discrète (et si possible parcimonieuse) de microphones sur le sol d'un couloir urbain.
La résolution du problème inverse se fait en calculant numériquement le champ rétropropagé depuis les positions des microphones jusque dans des tranches verticales disposées le long de la rue. L'utilisation d'un critère statistique spatio-temporel d'ordre 4 (Kurtosis) a permis de réduire la contribution des termes de sources dans le champ rétropropagé, à l'origine d'une divergence du champ de pression autour des positions de microphones. L'axe du cône de Mach peut alors être localisé avec une bonne précision angulaire, en combinant l'analyse du Kurtosis du champ rétropropagé avec une méthode RANSAC (random sample consensus) permettant de ne conserver automatiquement que les estimations non biaisées des points de l'axe de la trajectoire.

Ces méthodes ont été testées et validées à la fois numériquement et experimentalement (en laboratoire, à l'aide de la ligne de haut-parleur synthétisant le cône de Mach), et en situation réelle de tir entre deux murs réfléchissant sur le terrain d'expérimentations de l'ISL, à Baldersheim.
Durée du projet : 4 ans, de 2013 à 2017
Financement et contrats : Financement de la thèse de Guillaume Mahenc par l'Institut Saint Louis, développement et instrumentation sur fonds propres